Marco Pasqua
il/lui
Consultant en accessibilité et conférencier inspirant
Marco Pasqua, speaker, consultant, entrepreneur
La vision profondément réaliste et humaine de Marco est tellement touchante et inspirante. Son expérience de conférencier expert en inclusion se ressent dans chacun de ses récits et ses propos. Riche de son expérience personnelle et de ses accomplissements dans le domaine de l’inclusion, Marco sait vraiment comment nous inspirer à s’impliquer pour offrir des solutions à tout le monde. Que ce soit avec sa présentation TEDxStanleyPark, son l'implication au sein de la Rick Hansen Foundation™ (RHFAC) ou sa compagnie de consultation en accessibilité, Marco se concentre sur l'impact social de son travail et contribue activement à bâtir des projets concrets dans le domaine de l’inclusion.
« D’abord, j'aborde les gens comme des êtres humains. Quand je me présente, je n'utilise pas les pronoms. Mon idée derrière l’inclusion est que plus nous nous mettons dans des cases, plus nous nous divisons. Nous sommes tous des êtres humains, traitons-nous les uns les autres avec amour et respect.
Je n’aime pas les termes comme capacités différentes. Je pense que des termes comme ceux-ci tentent simplement d’adoucir le l'idée qu’il y a quelque chose qui ne va pas dans le fait d’avoir un handicap. Je ne pense pas qu’il y ait quelque chose de mal à avoir un handicap. C'est ainsi que vous vivez votre vie. C’est un fait de la réalité. Je suis né avec un handicap et j'ai choisi de m'en accommoder. Cela fait de moi la personne que je suis aujourd'hui. » - Marco Pasqua
Marco, parle-nous un peu de toi et de ton parcours.
Je suis né le 4 juillet 1985 et mes parents ont découvert plus tard que je souffrais de paralysie cérébrale. Étant né 3 mois prématurément, j'avais la taille de seulement 2 paquets de beurre. J'étais vraiment petit. Mes parents ne savaient pas ce que cela signifierait pour ma vie, mais ils ne se sont pas découragés. Mon père était un immigrant, il est venu d'Italie au Canada et je suis donc un Canadien de première génération. Comme beaucoup de familles, ils voulaient simplement nous offrir une meilleure vie. Être né au Canada est quelque chose pour lequel je suis très reconnaissant. En passant par l'école primaire et le secondaire, je ne me suis pas senti moins valorisé. À l'école primaire, j'ai été parfois victime d'intimidation, parce que les enfants ne comprenaient tout simplement pas ce qu’est un handicap. En grandissant, j’ai découvert que j’étais l’un des chanceux au secondaire (lycée). J’ai obtenu mon diplôme en 2000. À cette époque, il n’y avait pas autant de pression en faveur de l’inclusion comme nous observons aujourd’hui dans la société. Malgré tout, j’ai l’impression que beaucoup de personnes étaient ouvertes à tout le monde, du moins d’après mon expérience; que ça soit dans leurs capacités, la couleur de leur peau ou leur orientation sexuelle. Ce n’était pas vraiment un sujet de conversation. C'était une bonne chose pour moi, j'ai été accepté par différentes personnes, particulièrement les sportifs. Je pratiquais l'athlétisme en fauteuil roulant, de l'équitation, de l'haltérophilie, de la natation, du basket-ball en fauteuil roulant. J’étais respecté par les autres athlètes. C’est pourquoi je n’avais pas envie d’explorer l’accessibilité comme domaine de carrière.
En fait, j’ai obtenu un diplôme de concepteur de jeux vidéo. J'ai décroché un emploi dans l'un des plus grands studios de jeux vidéo au monde, Electronic Arts, après avoir obtenu mon diplôme. J'ai travaillé dans l'industrie du jeu vidéo pendant plus ou moins cinq ans, puis pendant la récession de 2008, j'ai perdu mon emploi. C’était vraiment mon signal d’alarme. J'ai essayé de revenir dans l'industrie de la technologie et du jeu vidéo. J’aime la technologie parce que j'aime pouvoir créer des personnages et des mondes de jeux vidéo qui ont des compétences et des capacités au-delà des miennes. En étant concepteurs de jeux, nous sommes capables de créer des personnages qui ont des compétences et des capacités bien supérieures à celle qu’on a. J'imagine que c'était ma propre façon de créer un monde inclusif, mais je l’ignorais à l’époque. C'est drôle, je me souviens d’avoir appelé ma petite amie de l'époque quand cela s'est produit (elle est avec moi depuis maintenant 16 ans et est aujourd’hui ma femme). Je pensais qu'elle serait dévastée que je lui dise que je perdais mon emploi, mais au lieu de ça, elle sautait de joie à l'autre bout du fil. Je lui ai demandé : « Mais pourquoi es-tu excitée ? Je viens de te dire que j'ai perdu mon travail ». Elle m’a dit : « Tu aimes ce que tu fais, mais je ne pense pas que ce soit ce que tu es destiné à faire. Je pense que tu es censé allumer un feu chez les gens, d’utiliser ta voix pour répandre la positivité et montrer aux gens qu'il existe une façon différente de faire les choses. Tu devrais tenter ta chance et devenir conférencier professionnel ». À l’époque, je ne connaissais rien à la création d’entreprise, mais avec ses encouragements, j’ai commencé à donner des conférences et ce fut le début d’une magnifique histoire encore vivante aujourd’hui.
Qu'est-ce que l'inclusion signifie pour toi?
Je pense que c’est une question compliquée, car évidemment c’est différent pour chaque personne. Pour moi, l'inclusion signifie que quelqu'un peut aller dans n'importe quel environnement et se sentir accepté et capable de s'impliquer comme tout le monde de façon autonome, sans avoir à demander la promission ou de l’aide. Je pense que c'est vraiment important. Si quelqu’un va dans un endroit où il vit, travaille, joue ou apprend, il n’a pas l’impression de mettre quelqu’un à l’écart. Les individus ne devraient pas avoir à s’adapter, mais l’environnement doit s’adapter à eux. Ils ne devraient jamais avoir à le demander. C’est la partie vraiment importante.
Je pense aussi que les gens peuvent aller à l’extrême aux deux niveaux. Certaines personnes peuvent sentir que tout leur est dû et vous dire que vous devriez tout faire à leur place. Mais il faut aussi rencontrer les gens là où ils se trouvent. Si vous entrez dans un établissement et qu'il ne répond pas automatiquement à vos besoins, cela pourrait simplement dire que ceux qui l'ont conçu n'ont jamais été exposés à ce type de besoin auparavant. Cela ne veut pas dire qu’ils essaient de vous exclure et qu’ils le font avec une intention malveillante. Ils n’ont peut-être pas les connaissances nécessaires. C’est pourquoi j’aborde toujours les conversations avec une approche d’ouverture et de sensibilisation plutôt qu’avec une approche activiste. Quelqu'un qui sensibilise observe une situation, reconnaît ce qui se passe et propose des solutions afin d'être un véritable allié dans une situation, plutôt que de créer davantage de discorde. Si je veux vraiment convaincre les gens et créer un changement, j'ai besoin qu'ils comprennent que je reconnais qu'ils n'essayaient pas de m'exclure, de les rencontrer là où ils sont et de ne pas les laisser là. Accompagnons les gens dans le voyage de l’inclusion, emmenons-les avec nous. Ainsi, ces personnes se sentiront capables de créer un changement réel et significatif. Un véritable environnement inclusif signifie que vous êtes autorisé à faire des erreurs et à en tirer des leçons. Nous pouvons améliorer les choses ensemble.
Quelles solutions proposes-tu pour faciliter l’inclusion et la diversité?
Si je veux faire quelque chose avec ma fille, qui n’a pas d’handicap (elle s'attend toujours à ce que papa soit capable de faire tout ce qu'elle est capable de faire), j’appelle à l'avance pour m'informer et déterminer si un environnement que j’aimerais visiter avec elle me sera accessible. Je ne pense pas que ce soit utile lorsque que je consulte un site Web et qu’il indique simplement que le lieu est entièrement accessible ou non. Qu'est-ce que ça veut dire? Pour moi, entièrement accessible signifie quelque chose de différent, parce que je dispose d’un appareil de mobilité. Mais si je suis aveugle et que vous dites entièrement accessible, cela veut-il dire que tout est écrit en braille ? Et que se passe-t-il si je ne lis pas le braille, mais que je suis aveugle? Au lieu de cela, avoir un site Web accessible et un personnel bien informé sur les fonctionnalités d'accessibilité disponibles et accessibles est préférable. Ils peuvent les lister et partager les informations par la suite. Ainsi, je peux savoir ce qui est logique pour moi et déterminer si on répondra réellement à mes besoins d’accessibilité.
Comment ces solutions ont-elles un impact positif dans ta vie?
J'habite à Surrey, en Colombie-Britannique, où il y a de nombreux parcs et terrains de jeux, plus de 300 dans ma seule ville. Ma fille adore aller au parc. Il existe des parcs entièrement accessibles ici à Surrey. Je ne le saurais pas si je n'avais pas pu faire la recherche, aller sur le site Web et obtenir l'information réelle.
Ce dont je suis fier, c’est de pouvoir créer des documents pour accessibleemployer.ca et aider à informer d’autres entreprises à travers le Canada sur la façon d’être plus inclusif. De plus, ces documents sont gratuits. Des employeurs m’abordent, ils commencent tout juste à être inclusifs. Ils veulent apporter les changements nécessaires, mais ne savent pas par où commencer, ni combien cela va coûter. Ils supposent que cela va coûter très cher d'argent, mais poussent un soupir de soulagement lorsque je leur démontre que ça n’a pas à être le cas. J’aime pouvoir leur ouvrir les yeux et leur dire qu’il n’est pas nécessaire de payer de grandes sommes d’argent pour être inclusif. Il faut seulement avoir l'esprit ouvert. Le plus grand obstacle reste l’attitude. Si nous parvenons à surmonter les idées préconçues, nous serons bien plus avancés. Il faut donc informer les gens. L’accès à l’information ouvre l’esprit des gens et fait de l’inclusivité une réalité qui profite réellement à tout le monde.
Quelles sont tes meilleures suggestions de solutions inclusives?
Poser les bonnes questions. Demandez aux personnes handicapées ce dont elles ont besoin, afin qu’elles puissent vous dire ce qui est plus adéquat pour eux. Cela sera différent pour chaque personne, mais tant que vous savez par quelles questions commencer, vous avez serez toujours en mesure de choisir la meilleure solution.
Certaines personnes ont besoin de barres d'appui, d'autres d'un lit abaissé, d'autres ont besoin de rails de support au plafond, parce qu'elles ont besoin d'aide pour être déplacées. Il y a tellement de choses à considérer. Je pense que les gens du secteur de l’hôtellerie et du tourisme ont besoin de recevoir cette formation, presque plus que quiconque. Le monde s’ouvre davantage, c’est l’occasion idéale d’acquérir des connaissances, non seulement pour une formation sur l’inclusion, mais aussi pour une formation à la compassion. Soyons plus compatissants les uns envers les autres.
Quelles sont vos principales recommandations pour des solutions qui favorisent l’inclusion ?
Avant tout, soyez ouvert d’esprit aux perspectives des autres. Parce que les gens peuvent avoir l’impression d’avoir reçu une formation dans le passé, cela ne signifie pas que quelqu’un d’autre ayant une expérience concrète ne sera pas en mesure de vous en apprendre plus. Et ce même si cette personne se situe plus bas dans la hiérarchie professionnelle d’une compagnie. Par exemple, j'ai un nouvel emploi dans une entreprise, mais je souhaite éduquer le PDG. Ce n’est pas parce que je suis un nouvel employé que je ne suis pas en mesure de l’aider. Ce PDG doit être ouvert et disposé à avoir cette conversation avec moi et à se montrer vulnérable.
Ce serait mon deuxième conseil : soyez vulnérable avec les gens. Soyez prêt à créer un environnement où la vulnérabilité est acceptée. Plus vous vous exposez à la vulnérabilité, plus les gens autour de vous comprendront pourquoi vous avez besoin de certains aménagements. C’est normal pour tout le monde d'exprimer ces besoins. Les demandes personnelles doivent être évaluées pour chaque personne et tout le monde y est autorisé. Ce n’est pas parce que je me présente comme quelqu’un qui utilise un fauteuil roulant que vous devez supposer que j’ai besoin d’aménagements spéciaux. Les entreprises qui réussissent le mieux ont un programme qui s'adresse à l'ensemble de l'entreprise et qui dit : « Hé, tous les six mois, nous allons avoir une conversation pour déterminer quelles sont les choses que nous pouvons faire pour que vous puissiez fonctionner à votre meilleur, pour aider notre entreprise à être à son meilleur ». Vous n’avez pas à demander à l’employé quel type de soutien médical lui est nécessaire pour mieux faire son travail, mais plutôt quel type de soutien a-t-il reçu qui l’a aidé à être le plus productif dans son milieu de travail. Vous n'enfreignez aucune règle de ressources humaines en posant de meilleures questions. Vous ouvrez la porte à un milieu sécuritaire où l’employé peut s’exprimer librement. Il peut en dire autant ou aussi peu qu’il le souhaite. Ce que vous essayez de faire, c'est de l’aider à faire son travail du mieux possible, pour aider votre entreprise à faire de son mieux également. C'est une situation où tous ressortent gagnants.
La troisième chose qui contribue à créer un environnement plus accueillant et inclusif est la volonté de s’adapter. Vous avez peut-être reçu la formation, vous pouvez devenir plus vulnérable et vous pouvez penser que vous avez fait tout ce qu'il faut. Cependant, la vie change. Nous l’avons vu au cours des trois dernières années. Nous avons tous dû nous adapter au travail à domicile. Depuis des années, la communauté des personnes handicapées réclamait des capacités de travail à domicile. N'est-il pas drôle que les entreprises disaient ne pas avoir l'infrastructure pour le faire et pourtant, deux à trois semaines après le début de la pandémie, toutes ces entreprises ont soudainement la possibilité d’accéder à Zoom, Teams et ont la capacité de travailler à distance. N'est-ce pas drôle que nous le demandions depuis 5 à 10 ans et que tout d'un coup, cela a affecté tout le monde et donc ils étaient prêts à s'adapter ? Il ne faut pas attendre une pandémie mondiale pour trouver des solutions qui soutiennent tout le monde.
Quel souhait aurais-tu en lien avec l'inclusion?
Comme Rick Hansen dit toujours : il rêve du jour où il se retrouvera sans emploi. En fin de compte, j'adorerais, si nous arrivons à un point où, surtout maintenant avec l'essor de l'intelligence artificielle et comment elle peut être utilisée à bon escient pour améliorer certaines choses, je n'aie plus à dire que je suis un consultant en accessibilité, parce que les choses sont automatiquement rendues universelles et conçues universellement. Ce serait un rêve pour moi.
Mais je pense qu’une étape plus modeste serait que les gens soient unis dans leur approche de l’accessibilité et de l’inclusion. Avec l’adoption de la Loi canadienne sur l’accessibilité en 2019, nous commençons seulement à en voir les effets. Ici, en Colombie-Britannique, toutes les entreprises mandatées par les gouvernements fédéral et provincial doivent mettre en place une stratégie d'accessibilité d'ici septembre 2023. C'est pourquoi ma femme et moi sommes si occupés, nous travaillons avec tant de villes. Il ne faudrait pas avoir à instaurer un délai obligatoire pour que les gens se précipitent à mettre les choses en place. J'aimerais qu’on arrive à un point où les gens font ces choses parce qu'ils reconnaissent les avantages pour la communauté et la société, pas parce que le gouvernement les a forcés à le faire. J’aimerais aussi voir davantage de villes collaborer sur le plan de l'accessibilité.
Qui est pour toi une personnalité inclusive dont tu aimerais souligner le travail?
Évidemment, c'est Rick Hansen. Je pense que la chose la plus remarquable à propos de Rick est qu'il travaillait pour l’inclusion et le faisait avant même que cela ne devienne populaire. Je dirais que Rick Hansen est le « gangster original » (original gangster) en matière d'accessibilité et d'inclusion. C'est pour cela qu’il m’inspire autant. Personne n’avait de plan sur la façon d’amorcer ces conversations dans la société. Il a utilisé son influence lentement. Il ne savait pas que sa tournée mondiale connaîtrait un tel succès, il a seulement commencé quelque part. C’est pourquoi je l’admire autant, des gens comme lui et Terry Fox.
Terry Fox était quelqu’un qui s'est manifesté un jour, parce qu'il était atteint d'un cancer et qu'il voulait sensibiliser les gens à cette réalité. Des gens comme Terry Fox, qui n’avait aucune idée que son impact se ferait encore sentir à travers le pays aujourd'hui, plus de 40 ans plus tard. Il s'est dit : « Tu sais quoi ? Je veux que les gens sachent ce que nous traversons et comment ils peuvent faire une différence ». Vraiment, Rick a placé la barre très haut. Je considère cela comme un défi amical de la dépasser, d’aller au-delà, de voir ce que nous pouvons faire pour créer ce que nous aimons appeler un héritage. Les gens entament des projets dans la société et ne prévoient pas qu’ils se terminent à leur décès. Même dans le travail que je fais, je veux qu’on se souvienne de moi pour les choses positives que j’ai pu faire. J'aime toujours dire ceci, tu es aussi bon que la dernière personne qui se souvient de toi. Ce n’est pas une question d’ego, je veux juste dire que ce que nous faisons crée un impact et cela signifie quelque chose pour les gens. Qu’ils s’en inspirent pour poursuivre la mission. C'est exactement ce que Rick a fait pour moi.